Syracuse

Et si le destin jouait parfois de mauvais tours ? Tibor avait de nombreuses cartes en main pour quitter Cléricourt. Finalement il y est revenu, les rêves d’avenir en berne et un quotidien morose et terne. Il travaille certes mais ce job purement alimentaire ne semble pas combler ses attentes. La routine quoi ! Il est avec Coralie, bibliothécaire de son état, et il l’aime. Pourtant leur relation se teinte d’habitudes. La routine quoi ! Il y a les amis et les soirées poker, les discussions sont toujours les mêmes et chacun reste dans son rôle. La routine quoi ! Et un jour Tibor franchit un cap et, depuis les ordinateurs de la bibliothèque où Coralie travaille, poste depuis un compte qu’il a créé des textes retraçant ses activités nocturnes. Sang, meurtre, décapitation, la société dans son ensemble qui sait mais ne dit rien, « Le Serviteur » et ses post sur X viennent de naître. Tout s’emballe alors à Cléricourt : qui est ce « Serviteur » ? Où sont les morts ? Le Maire doit faire face à un emballement, la police enquête dans les quartiers et tout le monde peut être soupçonné facilement. Mère de famille, éducateur, jeunes activistes, rien ne résiste au soupçon et aux faux-semblants. Tibor continue sa fuite en avant, voit flétrir et mourir ses dernières aspirations jusqu’au drame final.

C’est un roman d’une puissance incroyable. Fabien Truong est sociologue, il réussit à faire de sa fiction engagée et noire un roman sur notre société. C’est en somme le roman de notre époque : la viralité des informations sur les réseaux, le manque de recul et d’analyse sur les situations, des dénonciations hasardeuses et des préjugés aussi qui gangrènent le vivre ensemble. Routines se lit d’une traite et une fois le livre refermé on sait que l’on va réfléchir à ce monde. La portée cinématographique de ce livre est également indéniable.  Si vous aimez les livres qui vous percutent, Routines est fait pour vous.

« Une seconde avant, une seconde après. Il y avait des instants jetés comme ça, qui fusaient pour mieux s’enfuir. (…) Trop tôt, trop tard. Jamais on ne saisissait leur vérité ». p.11

« Tant de rage, si peu de lucidité, aucune compassion ». p.89