Syracuse

Thaïs, Manon, Chloé, Juliette. 4 amies lycéennes, 4 parisiennes issues d’un milieu favorisé. Elles ont toutes des aspirations, des rêves, des secrets aussi. Elles s’envolent vers l’Afrique du Sud pour des vacances sans parents et qui promettent d’être belles. Oui mais voilà, après quelques jours à peine et quelques péripéties dans un pays gangréné par la violence, Manon disparaît. Son corps martyrisé et en partie carbonisé sera retrouvé rapidement, provoquant un séisme dans la vie de sa famille et de ses amies. Dans un pays encore marqué par l’Apartheid, le meurtre d’une jeune touriste blanche ne peut avoir été commis que par un noir. Le capitaine chargé de l’enquête suit plusieurs pistes qui s’avèrent toutes infructueuses. Il oriente ses soupçons sur Albert, ami de la mère de Chloé, qui cache sous ses airs doucereux une âme de prédateur pervers et pédophile. Mais las cet homme blanc bénéficie de nombreuses protections. Les 3 survivantes rentrent en France et tentent de se reconstruire, les parents et le frère de Manon aussi. Ils et elles suivent les soubresauts de l’enquête, la traque d’un jeune homme noir qui finira par avouer un crime qu’il n’a pas commis et qui sera retrouvé pendu en prison.

Sur cette trame narrative, Jérémy Fel écrit un thriller psychologique impitoyable. Le roman s’ouvre sur le meurtre littéralement abominable de Manon puis les chapitres, consacrés à chaque fois à un protagoniste, se succèdent. C’est Chloé qui nous raconte les vacances, la disparition de Manon et le choc de son meurtre. On suit le récit de l’enquête grâce au capitaine Wayde et on prend conscience de l’impunité d’une population blanche minoritaire. Et à la conjonction des voix de Raphaël et Béatrice Delage, les parents de Manon, et de celle d’Arthur son frère, à la conjonction des regards et des secrets, se dresse alors le portrait d’une famille dysfonctionnelle. Une famille du milieu éditorial parisien où l’inceste, l’emprise, l’humiliation sont tout à la fois une norme et un système. Où les non-dits sont légion, où l’impunité règne. Où les mères n’aiment pas leur fille, où les hommes abusent des enfants. Vous lirez Manon vous raconter son meurtre et, lorsque la vérité éclatera, vous sentirez un frisson d’horreur vous parcourir. Cette âme humaine pleine de ténèbres, Jérémy Fel sait l’approcher et nous la donner à voir grâce à une écriture implacable, en mouvement et très cinématographique aussi. Si vous aimez les récits qui provoquent et ne laissent pas indifférent, Malgré toute ma rage est fait pour vous.