Sara Bourre
Photo : James Weston
Sara Bourre est née à Paris en 1988. Elle a étudié les lettres modernes et la philosophie à la Sorbonne, et s’est formée en parallèle au théâtre et à la danse-théâtre. Elle se produit régulièrement sur scène avec des musiciens, dans des projets où se croisent texte, matière sonore et visuelle.
Maman, la nuit est son premier roman, écrit dans le cadre du master en création littéraire de Paris-VIII.
Rencontre
Dédicaces
Chronique : "Maman, la nuit"
Un roman paru aux éditions Noir sur Blanc en 2023
Le roman débute par ces mots terribles : « Maman a disparu », prononcés par une jeune fille dont on ne saura pas grand-chose, ni le prénom, ni l’âge.
Après cet incipit, la narratrice raconte la maison en bordure de forêt, à l’écart d’un village, le lac omniprésent dans lequel sa mère aime se baigner, les arbres, les pierres noires du collège, ces lieux quotidiens et familiers, sources de refuge quelquefois et souvent d’angoisses.
Le long monologue se poursuit avec l’évocation de la disparue : maman idolâtrée, libre, légère et lunaire, rieuse et chantante, vêtue de robes colorées et parée de bijoux flamboyants, mais aussi maman absente, distante et brutale, assénant à sa fille des « tu es laide, très laide », « tu colles partout, c’est insupportable ». Elle ne voulait pas être maman, elle le lui a avoué en racontant son passé, sa jeunesse en Espagne, son amour pour un clown triste dont la violence sera exacerbée par l’annonce de la grossesse et qui trouvera la mort dans un accident, sa tentative échouée de faire partir par le « métal » ce bébé non désiré, la fatalité de la vie qui les conduira toutes les deux dans ce village où le regard des hommes et les commérages des villageoises scellera leur sort.
Enfant non désirée, la jeune fille grandit comme elle peut, en retrait pour ne pas déranger cette maman marginale qui reçoit des hommes la nuit, guettant le moindre geste affectueux qu’elle pourrait lui accorder, l’aimant et la détestant quand son extravagance lui fait honte.
Quand le Professeur du collège annonce qu’il ne veut pas du bébé que la maman attend de lui, tout s’accélère. La maman sombre et la jeune fille veut se venger, la venger, mais provoque l’incendie de la grange et c’est au bord du lac où elle se réfugie qu’un homme à la « grande parka » abuse d’elle. Elle ne dira rien à sa mère. Ce sera leur dernier soir ensemble. Le lendemain, « maman a disparu ».
Commence alors une période d’attente, les mois, les années filent ; la maison est prête pour le retour de maman, elle s’y applique. Même si au fond du lac un corps identifié a été repêché, ça ne peut être elle. La jeune fille devient jeune femme, les robes colorées sont désormais à sa taille et les langues des villageois se délient désormais contre celle qui semble destinée à suivre le chemin familial.
Bouleversant tant par le fond que par la forme, ce roman à l’atmosphère sombre et à la poésie troublante sur la violence et la dualité des sentiments, la quête absolue de l’amour maternel est d’une exceptionnelle densité dramatique. Les métaphores souvent utilisées, la nature environnante envoûtante, le style sec et nerveux, les chapitres courts en font un récit hypnotique dans lequel la maltraitance n’est jamais nommée. Un premier roman original et très très touchant.
Compléments
● Lecture par l'auteure accompagnée de Mathias Bourre & Alistair Brown - Maison de la Poésie de Paris, 29 mars 2023 (58 min)
A emprunter à la bibliothèque
Le premier roman de Sara Bourre vous attend à la bibliothèque municipale de Dijon, au format papier ou numérique :