Caroline Dorka-Fenech
Photo : Alexandre Isard
Née en 1975, Caroline Dorka-Fenech, diplômée de lettres modernes et de l’Atelier scénario de la FEMIS, a travaillé́ comme lectrice de scénarios, script doctor et enseignante. Rosa Dolorosa, son premier roman, est le fruit d’un travail de dix ans et a été couronné de 7 prix littéraires. Son écriture organique et sensible touche au plus profond de chacun.e d’entre nous.
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Rencontre
Dédicaces
Chronique : "Tempêtes et brouillards"
Un roman paru aux Editions de La Martinière en 2023
Le roi Lear, père de trois filles, déshérite et renie sa cadette qui est aussi sa préférée au profit de ses sœurs aînées jugées plus dévouées et aimantes. Le roi questionne la piété filiale et l'amour que lui porte principalement sa cadette. Pensant pouvoir compter sur l'amour éternel de ses aînées et leur soutien, il ne se doute pas que la ruse se cache derrière les promesses d'amour.
Sa cadette, Cordélia, se montre sincère, honnête et en paye le prix. L'histoire date du 12e siècle, et a été réécrite sous forme de pièce de théâtre par Shakespeare au 17e sans qu'il n'ait eu, vraisemblablement, accès aux manuscrits du moyen-âge. Le schéma de Tempêtes et brouillards se rapproche du Roi Lear par l'essence et le questionnement intrinsèque restant peu ou proue identiques dans toutes ces réécritures ; c'est bien l'amour et la piété filiale qui sont questionnés. Les répliques, empruntées à Shakespeare par Caroline Dorka-Fenech, illustrent la colère du père tel un « petit » roi Lear.
Carina à l’instar de Cordélia est la fille préférée, celle qui a l’attention et les faveurs du père. Comme dans le Roi Lear, la figure maternelle est absente du récit. Le drame se joue dans la relation père-fille. Alors, lorsque celui-ci quitte la France pour s’installer au Maroc, Carina reste stupéfaite. Elle reconnaît la mauvaise relation qu’elle entretient avec son père mais, si mauvaise soit elle, la relation existe. Or, dès le départ de son père le lien si ténu s’effiloche de plus en plus. Le père cherche par tous les moyens à maintenir sa fille dans son giron même si la communication est faite de critiques et de reproches. Tout bascule le jour où le père annonce son mariage avec une jeune femme marocaine de l’âge de sa fille. Le père ne cache pas sa joie d’avoir une nouvelle épouse, dévouée corps et âmes à son bien-être, là où sa fille se refuse à tenir ce rôle.
Comme dans le Roi Lear, le père souhaite un total dévouement de ses enfants car il estime avoir pleinement rempli son rôle de père aimant. Cependant, si le père réclame principalement l’affection de sa cadette, qu’il remplace par sa nouvelle épouse, celle-ci ne se plie pas à ses exigences, refuse d’aller le voir au Maroc et se montre ingrate lorsqu’il vient séjourner à Paris. Carina apparaît comme le personnage de la fille ingrate, capricieuse et instable devant ce père ne cessant de l’appeler et de lui demander de venir le voir. Mais sous le rapport conflictuel se cache le rapport incestueux. On le devine d'abord dans les propos tenus par le père mais aussi plus tard dans les souvenirs de Carina lorsqu'elle avait 6 ans et qu'en échange d'une histoire, elle devait d'abord satisfaire le plaisir de son père. Elle accuse, il la traite de folle.
Dans ce roman Caroline Dorka-Fenech s'interroge aussi sur la nécessité de l'écriture pour exorciser ses démons, pour résoudre les conflits intérieurs et réparer les traumas. Elle convoque les figures dramatiques de la mère telles Jocaste ou Médée en sus de la mère absente pour remplacer le père omnipotent qu’elle souhaite voir disparaître.
La mort du père qui devrait être une libération et un soulagement, n’est en fait qu’une source de tourment supplémentaire. Le père sur son lit de mort n’a de cesse de réclamer sa fille absente, les propos lui sont rapportés par sa presque veuve Asma et sont une source de torture supplémentaire. La mort du père laisse place à plus de colère intérieure chez Carina, elle cherche à pardonner et à comprendre les sentiments ambigus qui la traversent. Elle refuse d’aller aux obsèques se déroulant au Maroc selon les rites musulmans mais organise une cérémonie privée à Paris pour lui rendre hommage. Elle cherche du réconfort tout en essayant de comprendre la haine qu’elle ressent pour son père. Le chemin vers l’acceptation et la résilience prennent place petit à petit, passant par son besoin d’écrire à tout prix.
Un roman particulièrement fort sur les liens familiaux et les sentiments parfois complexes qui s’installent et construisent nos vies.
Complément
A emprunter à la bibliothèque
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